Tu passes une main fébrile dans tes cheveux pâles, minces mèches des feux artificiels qui troublent ton esprit. La lune blafarde et boursouflée les embrase sans douceur, sécrétant sur ta joue une larme d’acier…

-Putain d’unique testicule de c’vieux con d’Merlin…

J’me disais aussi.

Météore. Ou toute la poésie du monde figée de cent vingt sept kilos de lipides parfaitement répartis. Plus trois grammes de faux-cils planté dans le globe oculaire, cause principale de tes gracieux gazouillements ci-dessus reproduits.

Agitant tes bras dans une grotesque simulation d’envol, de tes quatre octaves prêts à faire exploser le moindre sonotone à portée d’écoute, tu continues à beugler tes jurons, renforcés en intensité par les larmes involontaires aveuglant ton œil meurtri. Tu finis par abandonner sur un gémissement furieux, arraches à ta paupière ton ennemi de la minute et le piétine rageusement.

C’est parfaitement ridicule compte-tenu du fait que c’est un… objet, mais tu espères qu’il a eu mal.

Tu te redresses, auguste, et décides qu’un seul œil paré de faux-cils, c’est très classe et über-stylé. Tu te contemples dans un miroir à peine assez large pour capter un dixième de ta superficie corporelle hors-norme. Tu es presque prête. Presque belle. Presque toi.

Tu lèves tes bras, inspires l’odeur potentielle qui s’en exhale, juges que c’est tolérable et, t’imaginant avoir des mouvements fluides de jeune nymphe émue, autant vous dire que le tableau final était très loin de l’allégorie prévue, tu enfiles un trench couleur crème comme un peignoir de soie.

Tu es Amazing.

Sans attendre, tu fais tourner le quartz qui orne ta bague et, magie en toc, fait sortir du petit compartiment quelques gouttes d’un liquide sombre que tu récoltes dans un petit pot pourtant déjà rempli de pâte rose. De l’autre main, tu mélanges les deux substances et en tapote le résultat sur tes lèvres déjà grasses de rouge à lèvre.

Ce soir, tu es en chasse.

Ta bouche luit désormais à ta convenance. Plus pressée, tu verses un nouveau filet de potion sur un peigne argenté, l’égouttes sans remord sur le coussin d’une de tes « camarades » de chambrée et le passe énergiquement dans tes cheveux blonds.

Tu fermes les yeux. Inspires doucement.

Vins aux épices. Fizwizbiz. Encre.

Amortensia.

Tu ouvres tes paupières assombries. Tu es parfaite. Tu es une licorne. Tu es une licorne en rut.

Tu t’écartes et ferme en une boucle bien trop serrée la lanière de l’imperméable juste au-dessus de tes hanches surdimensionnées. Tes poumons tentent de protester, tu ne leur accordes pas une pensée. Ils n’ont qu’à se démerder. Dans ta tête, tu es capable de tenir une apnée pendant trois heures. Il leur suffit juste de s’adapter.

Tu t’observes. Fardée. Conformée.

Ton visage barbouillé de ces peintures de guerre qu’est le maquillage, tu sembles te découvrir enfin. Tes pupilles s’écarquillent sous la révélation. La bouche entre-ouverte, tu encaisses un grand bouleversement. Ton cœur est étreint et…

-Et merde, pourquoi mon sein se barre en couille, là ?

Oh. Tu ne regardais pas ton visage.

D’un geste ferme, tu ramènes contre son imposant frère jumeau, bien en évidence dans la devanture de ton sex-appeal que représentait ton décolleté, ce méchant garçon, comme tu l’appelles très glauquement, parti à l’aventure.

-Let’s have a kiki.

Décidée tu t’avances jusqu’à la porte du dortoir.

Au dernier moment, tu te retournes une dernière fois sur ce reflet moucheté, éclat de ton âme extra-large dont les coutures sont prêtes à lâcher. Tu mâtes amoureusement ton cul, quoi.

La porte claque lourdement.

Avec toute la classe et la discrétion qui te caractérise, unique point commun que tu t’accordes avec le rhinocéros, tu traverses ta salle commune à cent à l’heure, grognant au moindre obstacle, écartant les plus faibles de ton chemin, augmentant soudainement le taux de clavicules fracturées dans l’enceinte de Poudlard. C’est l’infirmière qui va craquer son string médical.

Miracle de la narration accélérée, te voilà déjà devant le lieu de rencontre de ta proie de la soirée.

Salle de classe banale. Poussiéreuse. Isolée. Elle sait choisir ses endroits, la Brooks.

Dressée sur tes escarpins vernis à clou argenté, summum du glamour dans les prisons pour femme au Texas, tu écartes ta chevelure parfumée de ton visage épaissit de trois centimètres de fond de teint et, d’un air cérémonial, balances un maléfice maladroit qui fait sauter les gonds de la porte.

Sérieusement, vous vous attendiez à ce qu’elle s’emmerde avec un heurtoir ? Candid Bitch.

Impériale, tu tends ton index boudiné devant toi et, du bout de son ongle manucuré (travail éblouissant qui avait occupé ton temps libre, aka tes heures d’Histoire de la Magie), fait tomber dans un petit fracas la lourde plaque devant toi. Sans attendre d’y être conviée, on aura déjà pu remarquer ton sens bien particulier de la courtoisie, fait claquer tes douze centimètres de talon sur le bois vernis que tu ne prends même pas la peine d’enjamber. Une entrée remarquée, d’accord, mais pas plus d’efforts que nécessaires, fallait pas déconner.

Tu constates l’insignifiante sorcière qui te sert de professeur et lui offre un sourire langoureux.

-Oups…

Ricanement gras censé être suave.

-J’ai oublié de frapper…

Sourire carnassier.

-J'espère que vous ne m’en voudrez pas professeur… Ou dois-je vous appeler Kae… Ku… Kaeli… Lich… Lu… Ko… Emma ?

Rebaptême express.

Tu embrasses la salle d’un regard mauvais et y traques la moindre présence étrangère, en parfait petit anticorps social.

Personne.

Parfait. Tu adresses un sourire de satisfaction à la rouquine. Ce n’est donc pas une de ces débauchées qui passe à la partouze dès le premier rendez-vous. Bon point.

-Par quoi commençons-nous ?, chuchotes-tu d’un air voulu mutin.