Hamish, 12 ans ▽

Un coup de main gauche agile cacha la fameuse carte magique à un endroit précis dans le paquet. Un autre mouvement du poignet de la même main en l’espace restreint d’un dixième de second pour mélanger le tout. Et hop ! Ni vu, ni connu. Deux trois rangées de spectateurs le regardaient effectuer ses petits tours de passe-passe sous leurs yeux ébahis, et brillants d’une lueur amusée et curieuse. Pendant qu’il jouait avec les cartes non truquées avec ses mains, le jeune magicien leur racontait une histoire à dormir debout pour en rajouter un peu à son jeu et à l’effet semi tragique et magique. Puis lorsqu’il y mit le point final sur sa narration, il demanda à une personne de tirer quatre cartes, et ce fut bien la famille des huit qui en ressortie. Le temps d’absorber et de comprendre ce qu’il venait de se produire, les gens autour de lui explosèrent dans des acclamations de bonnes surprises et d’appréciations. Des applaudissements retentirent et des sifflements arrivèrent à ses oreilles. Il rangea instinctivement ses cartes porte bonheur dans sa poche arrière gauche, et se pencha théâtralement comme pour saluer la foule. Il retira son chapeau noir de sur sa tête, en faisant le tour de ses spectateurs, quémandant une petite pièce pour le show.

Une fois que tout le monde fut parti et qu’il eut refait une dizaine d’autres tours de magie, certaines encore avec des cartes, d’autres avec des pièces, et encore quelques uns avec des choses plus improbables, il rangea ses accessoires et sa table de jeu qui était une simple planche posée sur deux tréteaux. Si vous vous posez la question, il bossait dans la rue. Le week-end et le mercredi après midi quand il était libre. Les autres heures il se les réservait pour étudier. Après tout, il n’était encore qu’un pré adolescent. Et si on dit que Hamish a toujours été seul, ce n’était pas faux, mais pas vrai non plus. Sa mère et sa petite sœur sont mortes dans un accident de voiture alors qu’il n’avait que neuf ans. Cela ne faisait que trois ans, mais on tourne la page. Et son père, étant chef militaire était souvent absent. Mais une fois de plus, ce n’était pas de sa faute. Alors il était élevé par une nounou. Oh oui, il l’adorait, mais ce n’était pas sa mère, soyons honnêtes ! Mais il ne se plaignait pas. Il avait un tas d'amis autour de lui. Jeune, presque petit, certes mais il était déjà pas mal populaire et bien entouré. Puis Hamish était un mec heureux, un enfant, qui ne s'arrêtait pas sur les problèmes que pouvait causer la vie. We keep going on.

Il était plus tard que d'habitude, mais le jeune blondinet n'avait pas très envie de rentrer chez lui. Il fallait le comprendre. On était samedi soir, en plein mois d'Août, avec une chaleur anormalement étouffante pour la ville de Londres, pour un temps britannique quoi. Alors il traînait dans les rues lourdes et quasi obscures du quartier. Certains auraient dit qu'il habitait et fréquentait un quartier peu recommandable. Mais lui, il s'en foutait. Il était né là-bas, habitait là-bas depuis toujours, il faisait parti du décor je vous dis, et s'il déménageait, je peux vous assurer que les gens pourront vous dire qu'il y a un truc qui cloche. Les rues étaient assez pleines, je vous l'accorde. Et le boulevard sur lequel il se promenait était encore bien animé. Cependant, il fut bientôt coupé de ses pensées par un hurlement de peur retentissant derrière lui. Instinctivement, il se retourna et courut dans la direction des cris de terreur. Une femme âgée d'une vingtaine d'années était entrain de se faire agresser. Enfin, elle aurait pu se faire violer, on n'aurait pas vu la différence. Alors qu'il allait s'élancer pour l'aider, même s'il savait qu'il n'y pouvait rien c'était instinctif, une main forte sur son épaule le retint. Il leva la tête dans sa direction, et vit un adulte lui dire non de la tête. Elle avait beau crier à l'aide, personne ne venait, et Hamish dut regarder la scène, impuissant. Il se dit que ce n'était pas juste. Que cela ne devrait pas se passer de cette manière. Et que quelque chose, ou quelqu'un, devait y remédier.

Hamish, 14 ans ▽

Les lumières de toutes les couleurs, formant de temps en temps et par hasard le drapeau gay, dansaient chaudement dans la nuit noire, à travers les fenêtres grandes ouvertes, où on pouvait également y voir sortir de la fumée. Hamish vêtu pour l'occasion d'un slim rose, qui tombait légèrement laissant entrevoir son caleçon superman malgré sa ceinture vans à clous, et d'un tee-shirt moulant, en col en V et jaune, accordé à sa touffe de cheveux, était allongé dehors sur l'herbe un peu bourré et défoncé. Deux ou trois de ses potes étaient assis - ou plutôt jouaient les morts vivants - à côté de lui, certains continuaient à danser et se bourrer la gueule, et d'autres baisaient avec ou des filles ou des garçons, ou les deux. Les yeux grands ouverts, l'adolescent regardait le ciel étoilé sans un seul nuage pour cacher la vue, il espérait presque de voir la voie lactée. De sa main gauche lente et paresseuse il amena sa cigarette à moitié consumée à sa bouche et ira une longue bouffée de cette toxine. Qu'on soit bien clair, il n'était pas un fumeur régulier, juste à l'occasion pour des fêtes ou des trucs comme cela. Il fallait bien savoir se faire plaisir parfois. Recrachant la fumée, il vit deux formes - humaines - s'avancer dans leur direction. Hamish se redressa sur ses coudes et discerna très perceptiblement John, un de ses meilleurs amis, et un mec qu'il ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam. Et qui était plutôt vraiment très sexy.

« Yo les loosers. Je vous présente un pote : Sonny-Rain. »
« Qui de nos jours s'appelle comme ça ? »

Ce fameux... Sonny-Rain se tourna vers la personne qui venait d’ouvrir sa malheureuse gueule, et bien qu’il avait un visage quasiment angélique, on comprenait aisément que l’autre allait passer un sale quart d’heure, et que pour rien au monde on n’aimerait être à sa place. Le nouveau venu rétorqua quelque chose qui cloua apparemment tout le monde sur place, mais Hamish avait déjà déconnecté de la conversation, sachant pertinemment que tout cela allait très mal tourner. Il secoua sa tête de droite à gauche, puis de gauche à droite, ou inversement proportionnel, et se releva en écrasant son mégot par terre, et le jeter ainsi que sa bouteille de bière dans une poubelle. Même lors d’une fête, il continuait d’être respectueux. Il passa devant tout le monde sans leur prêter la moindre attention et retourna dans la maison.

Près de vingt minutes étaient à présent passées et l’adolescent se déchainait sur la piste de danse, les cheveux en bataille et virevoltant devant ses yeux émeraudes – il fallait décidément qu’il se refasse une coupe de ce nom – ainsi que des perles de sueur qui trônaient sur son beau visage et se créaient un chemin dans son décolleté. C’était le cas de le dire : il était en transe. Mais il se stoppa lorsqu’il sentit une main sur son épaule, et se retourna pour voir qui en était l’auteur. Quand il s’aperçut que c’était Rainbow – ne lui demandait pas pourquoi il l’appelait comme cela d’un coup… peut-être l’association entre Sonny (Sun) et Rain – son cœur, étonnamment, manqua un battement dans sa cage thoracique. Il ne chercha pas plus loin le sentiment étrange l’emparer. Après tout, il avait l’habitude de ne pas trop se prendre la tête, et d’essayer de ne pas réfléchir quand il avait trop bu et trop fumé. Et lui adressa son sourire la plus radieux et tellement enfantin. En retour, une sorte d’expression de surprise passa sur le visage – un peu trop beau au goût de Hamish – du brun, qu’il masqua rapidement avec un sourire amusé, en coin, et irrésistible. Mish’ se lécha instinctivement les lèvres pour les humidifer.

« Salut. Je me souviens pas t’avoir demandé ton nom. »
« Moi c’est Simba, Rainbow. Mais tout le monde m’appelle Hamish. Parce que bon, les Walt Disney ça va bien, mais ça craint un peu au final. En fait, tu permets que je t’appelle Rainbow, hein ? »

Peut-être qu’il avait un don pour cela. Un don pour bavasser comme une fillette. Un don pour ne jamais être gêné et être terriblement sociable. Un don pour charmer et attendrir les autres. Un don pour reconnaître les personnes hétérosexuelles, homosexuelles, bisexuelles, ou même hermaphrodites. Dans tous les cas, Sonny explosa d’un bon rire, et le blond expira le souffle qu’il ne savait pas qu’il retenait.

« Ouais, j’adore ce surnom. Je viens pour te dire que depuis tout à l’heure j’ai envie de te faire l’amour. »

Cette fois-ci, ce fut au tour de Hamish d’être véritablement surpris, et rester bouche bée. Pouvant pratiquement gober des mouches. Il remarqua également qu’il avait dit qu’il voulait lui faire l’amour, et non le baiser. Il ferma la bouche et avala sa salive. Il ne savait pourquoi, il ne pouvait l’expliquer pourquoi, mais ce foutu Rainbow lui plaisait. Peut-être était-ce son charisme qui faisait succomber tout le monde. Peut-être était-ce cet air triste qu’on pouvait à peine apercevoir derrière ce sourire suffisant. Peut-être était-ce cette aura tellement unique qui attirait Hamish. Mais à vrai dire, il s’en foutait un peu là. Tout ce qu’il comptait c’était ses lèvres sur les siennes.

Hamish, 16 ans ▽

Quelque soit l'âge, on a l'impression que le moment présent, les sentiments qui s'y prêtent, resteront pour toujours. Oui, vraiment. Que l'on soit nourrisson, enfant, adolescent, ou même adulte. Les seuls instants où l'on se rend vraiment compte que tout cela n'était qu'en fait illusion et lorsque l'on réalise que l'on s'approche de la mort – autrement dit que l'on va bientôt mourir – ou quand quelque chose d'énorme vient d'arriver comme par magie – c'est le cas de le dire – dans notre vie. Vous l'aurez compris, c'est ce que venait de se passer dans la vie de Hamish.

Il avait toujours eu une vie plus ou moins tranquille. Certes, une vue d'adolescent londonien typique, avec ses emmerdes et ses joies. Mais tout restait quand même pour le moins normal, voire banal. Qui aurait pensé un jour qu'il traverserait un mur magique – oui, je parle bien de passer à travers – pour rejoindre un monde pourvu de sorciers et de sorcières, qu'il existait bel et bien des balais volants, des dragons, des fantômes, et d'autres sortes d'objets magiques ? En réalité il n'était rien qu'une petite crevette dans cet univers gigantesque et plein de surprises. Son monde à lui, toute son entière belle petite vie était remise en question. Oh oui, cela lui avait fait un choc, mais à présent il était plus émerveillé qu'autre chose.

Comment a-t-il été mis au courant de cette magie ? Parce que tout simplement il avait bouffé ces fameux Fizwizbiz magiques qui avaient été déposés dans sa boîte aux lettres personnelle. Les choses après n'avaient pas pu être plus bizarres. Des phénomènes surnaturels étaient arrivés juste parce qu'il les pensait. Et des gens encore plus étranges habillés de capes noires, ou violettes foncés, ou encore cacas doigts, étaient arrivés dans la ville de Londres pour leur expliquer ce qu'il venait de se produire. Leur expliquer qu'ils étaient des moldus, des gens sans pouvoirs – certains avaient pris cela comme une insulte, Hamish était trop en extase pour se vexer. Leur expliquer qu'ils avaient caché cette connaissance du monde magique aux autres pour éviter la paniquer. Mais surtout leur expliquer qu'un certain Mustard avait envoyé ces bonbons, et qu'ils n'avaient aucun remède.

Alors on y était. Hamish était assis par terre, sur le quai 9 3/4 – quel nom étrange, il aimait ce monde de plus en plus – comme un clochard, et avec des sales blessures sur son beau visage. Et ouais, la veille encore il avait voulu jouer au super-héros, et une fois de plus, il ne s'en était pas sorti indemne. D'ailleurs, l'année dernière cela lui avait coûté un bon coma pendant quelques jours, rien de bien sérieux, mais quand même. Cependant, cette fois-ci il avait pensé qu'il en serait reparti beaucoup plus amoché. À croire que ses nouveaux pouvoirs magiques – comme si il en avait eu des anciens, tiens – lui donnaient beaucoup plus de possibilités. Très naïvement, son rêve de vouloir sauver des gens devenait presque palpable, à portée de mains. Quelle connerie. À force, cela lui en coûtera sa vie. Il fit sorti de ses pensées lorsque Rainbow passa devant lui, sombre, mélancolique et seul comme à son habitude. Ce dernier baissa son regard l'espace de quelques secondes pour croiser celui de son amant – on dira plus amant que petit ami car entre les deux c'était très compliqué – et continua sa route comme si de rien n'était. Lui aussi avait bouffé ces bonbons, et apparemment il en tenait Hamish comme responsable. Allez savoir après s'il lui faisait vraiment la gueule ou pas. Le blondinet soupira. Puis il entendit deux voix plus fortes que toutes les autres, et instinctivement il leva la tête dans leur direction. Deux jumeaux, semblait-il, faisaient des siennes. L'une était une magnifique blonde – oui même s'il était gay, il savait encore reconnaître les belles choses – et l'autre un mec qui aurait fait baver immédiatement Hamish s'il n'avait aucune retenue. Celui-ci explosa d'un rire presque machiavélique, qui donna des frissons au nouveau sorcier, et planta son regard dans le sien. Des heures, ou des jours, auraient pu passer, il n'aurait pas vu la différence. Son coeur paraissait avoir cessé de battre, et toute sa conviction aspirée. Puis le charme fut rompu lorsque l'inconnu lui adressa un sourire charmeur et lui fit un clin d'oeil avant de monter dans le train. Oui. Cette année promettait d'être intéressante.