"Je connais Malcolm depuis que je suis gosse, et je pense sincèrement être l'un des plus amènes à le décrire dans son intégralité. C'est sûr qu'il y'a un paquet de choses à dire sur ce phénomène, mais tout ce que je peux vous dire, c'est que dans toute mon existence, jamais je n'ai vu un gamin aussi chiant. Je me rappelle tout à fait de lui étant petit. J'entendais ses parents lui gueuler dessus depuis l'appart d'en dessous, et ça, même quand toutes les fenêtres étaient fermées. Il n'a jamais cessé de faire des conneries. Au départ, et jusqu'à son entrée à l'école primaire, il ne faisait encore que des bêtises passablement sans gravité, il se baladait dans les rues nu comme un ver et insultait les passants en leur exhibant son ridicule sifflet, il balançait toujours des trucs dans la cage d'escalier en pleine nuit pour réveiller tout l'immeuble, pissait sur notre porte, des trucs de ce genre. Mes parents n'ont jamais pu le piffer, et m'interdisaient radicalement de lui adresser la parole, mais mine de rien, il m'a toujours fasciné. J'admirai beaucoup ses parents à l'époque, parce qu'ils faisaient preuve d'une telle patience avec lui ! Les miens lui auraient certainement collé deux baffes chaque fois qu'il aurait osé la ramener, voire même refourgué à la dass, mais les Widmore, eux, avaient développé ce don pour faire la sourde oreille et ne plus lui prêter attention... Je me demande bien comment ils faisaient ça. Une vraie prouesse, je vous assure. Une fois, il devait avoir à peine sept ans, ouais sept ans, et il chantait, hurlait des chansons paillardes à sa fenêtre, avec une puissance vocale à déboucher les oreilles d'un sourd, et chaque fois que je lui criai de se taire, il se mettait à chanter encore plus fort. Il avait réveillé tout le quartier, même les vieux qui d'ordinaire n'osent même pas ouvrir leurs volets, mais ses parents à lui n'avaient rien dit. C'est mon père qui est descendu chez les Widmore pour lui en coller une. Et vous savez ce qu'il lui a répliqué ? Non ? Le genre d'insulte qui ne sort jamais de la bouche d'un enfant, vous voyez ? Bref, un sacré numéro, ce gamin. Je ne sais pas pourquoi il a toujours été comme ça. Dans le quartier, on dit de lui que c'est un voyou, un hyperactif, et certains médisent sur l'éducation qu'il a reçu. C'est vrai, après tout son père était la plupart du temps fourré dans les pubs à faire des paris sur des courses de chevaux, dans l'espoir de remporter le gros lot. Sa mère... je ne sais pas ce qu'elle est devenue, un beau jour j'ai cessé de la voir dans l'immeuble. Malcolm devait avoir huit ans à l'époque. Je ne lui ai jamais posé personnellement la question. Il n'a pas eu l'air tant que ça d'en souffrir, mais je n'ai simplement jamais osé aborder le sujet. Mais plus le temps passait, plus il se dévergondait. Avant, quand il était petit, il était juste incroyablement chiant et indiscipliné, insolent et incorrect, mais à partir du collège, et ça jusqu'à aujourd'hui, il s'est mis à avoir des fréquentations chelous. Quand je passais sur son palier, je pouvais sentir cette odeur de joint à plein nez, comme s'il était à coté de moi. Il s'est fait virer plein de fois de son bahut, a eu des emmerdes avec la police et des types du quartier. Je crois qu'il a jamais eu d'amis fiables. J'ai beau avoir le même âge que lui et avoir grandi à l'étage juste au-dessus de chez lui, on a jamais eu une relation très amicale."
Rob, voisin de Malcolm.


"Si j'ai connu Malcolm ? C'est relatif. J'ai été dans la même classe que lui au lycée, enfin, avant qu'il ne se fasse définitivement virer. Il n'est resté qu'à peine deux mois dans notre bahut, et je ne sais pas, sincèrement, comment il a fait pour tenir aussi longtemps. C'était le genre de mec qui semblait tout vouloir faire pour se rendre intéressant. En cours, il répondait toujours aux profs, faisait connerie sur connerie pour amuser la galerie, draguait toutes les nanas qui avaient un potentiel sex-appeal suffisant pour attirer ce type. Enfin... draguer, disons plutôt qu'il était du genre à les harceler. C'était un mec vraiment canon, mais tellement agaçant et lourd que personne n'avait envie de s'afficher avec lui. Il était toujours entouré, mais très seul au fond. Les gens qui restaient avec lui, c'était juste pour se marrer. Mais tout le monde le haïssait, au fond. Il ne faisait qu'attirer des ennuis aux autres, avec ses conneries. Il vendait pas mal aussi, à des types plus jeunes que lui. On voyait qu'il se fichait de tout, et ouvertement. Le lycée, apprendre, créer des liens, tout ça ne l'intéressait pas. Il était là par obligation, c'est tout. Je ne veux pas être méchante, ou quoi que ce soit mais honnêtement, c'était un connard fini. Un "petit branleur", comme disaient les profs. On voyait bien qu'ils avaient tous hâte qu'il se tire d'ici. Mais Malcolm, on dirait que ça l'amusait encore plus de provoquer et narguer l'autorité, se sentir intouchable, ça devait l'exciter comme pas possible. Mais y'en a certains qui sont moins patients que d'autres, et un jour, il s'en est pris à un genre de voyou, devant le lycée. Un type, gros bras, vraiment flippant. Je ne sais pas trop ce que Malcolm lui a dit, mais on l'a tous vu se prendre une raclée. Le mec s'est acharné sur lui, et lui, riait, riait, en redemandait, alors qu'il avait juste la gueule cassée. Des amis à moi ont essayé de s'interposer, mais c'est le proviseur qui a mis fin à la bagarre. Après ça, je ne l'ai jamais revu. Il s'est fait virer pour s'être battu. Aujourd'hui, je crois qu'il bosse dans un garage, enfin, un boulot de merde dans ce genre. C'est bien fait pour lui après tout, il n'a eu que ce qu'il méritait. Qu'il ne vienne pas se plaindre et jouer les victimes, car il ne trouvera personne pour le défendre."
Betty, ancienne camarade de classe.


"Aider des gamins perturbés, c'est mon métier. Mais des gosses comme Malcolm, je n'en ai jamais vu d'autres. C'est assez remarquable d'observer chez lui une telle force de caractère, et une telle énergie. Oh, bien sûr il n'était pas du genre bavard, car il ne prenait sa thérapie que très franchement à la légère, mais à l'entendre parler, quand parfois il daignait se livrer, on voyait bien qu'il n'était pas un simple voyou comme les autres. D'après moi, il a cruellement manqué d'attention durant son enfance. À ce que je sais, son père est ouvrier, et n'a pas beaucoup de revenus. Malcolm le décrivait comme un poivrot passant son temps à jouer et à parier, dilapidant ainsi l'argent de la famille. Selon lui, c'est ce qui a causé le départ de sa mère quand il était petit, avec qui il n'a plus aucun contact aujourd'hui. Malcolm a donc comblé son grand manque affectif en enchaînant les bêtises. Il a eu de nombreux soucis avec la police, mais celle-ci à jugé bon, plutôt que de le condamner, de le diriger vers le centre d'aide sociale que je dirige. J'ai essayé de le réintégrer dans le système scolaire après sa dernière exclusion, mais c'est un gamin qui n'est pas vraiment apte à suivre des cours et qui n'est pas non plus destiné à de longues études. Je lui ai personnellement conseillé de commencer par apprendre à faire un travail plus manuel, comme son père, mais là non plus, il n'y mettait pas vraiment du sien. Il me répondait toujours avec insolence, mais malheureusement pour lui, je ne cédais pas à la colère comme il semblait vouloir que je le fasse. Je l'ai supporté tout ce temps, me demandant, chaque seconde, comment ses parents avaient pu supporter d'élever un gosse pareil. Je ne devrai pas dire ça, mais bien sûr, je pense que tout le monde partage mon avis, c'est évident. Malcolm est comme un éternel enfant, et cela s'est confirmé le jour où il y a eu cette histoire de... fizwizbiz. Le 3 juin, il est venu me voir. Sans doute n'avait-il personne d'autre que moi à qui parler. Il était tout excité, animé par un enthousiasme incroyable. Il m'a dit ne s'être jamais senti aussi bien de sa vie, et disait avoir trouvé un sens à son existence. Tout l'été, il est venu me parler des pouvoirs qu'il possédait, de magie... Personnellement, je ne lui trouvait rien de changé. La même immaturité, la même insolence, le même comportement horripilant. Mais lui se sentait différent. Et il a reçu cette lettre. Jamais je ne l'ai revu depuis."
Docteur Richardson, psychologue